Bonjour Johanna et Issa,
Je suis ravie de pouvoir réaliser mon 1er portrait avec vous.
Partage, tradition, agriculture et préservation de l’environnement et des savoirs sont les valeurs qui ressortent du centre culturel et agricole ADUNA'M.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre centre culturel, qu’est ce qui a motivé et fait sortir de terre votre projet ?
Ce qui a motivé notre projet, c’est tout d’abord le désir de se rapprocher de la famille.
Au village de Médina N’Diathbe, les parents d’Issa avaient mis (et mettent toujours) leur énergie à construire pour leurs enfants : nous disposions donc d’un terrain de 40 Ha, de quelques constructions bâties mais qui restaient à achever, de troupeaux de vaches, moutons, chèvres et d’un forage nous permettant d’avoir de l’eau.
Ce rapprochement familial ainsi que les efforts mis en œuvre par les parents nous ont amené à construire un lieu de vie en accord avec nos convictions profondes et à le partager à grande échelle.
Doté d’un peu d’économie et d’une étincelante motivation, nous avons décidé d’animer ce lieu et de construire sur ces atouts afin de le faire vivre autour des valeurs de respect de la Nature et de la vie. Nous souhaitions dès le départ en faire un lieu ouvert sur l’extérieur, donc sur son environnement immédiat (les gens du village et de la région) mais aussi sur le monde plus vaste, afin de partager notre vision avec le plus grand nombre.
C’est ainsi qu’est né l’Espace Aduna’m.
Quel est le message que vous souhaitez faire passer à travers votre projet?
Mettre en lumière le cercle vertueux de la Nature, environnementale et humaine, la nécessité de le protéger et d’y contribuer.
Et à propos de vous ? Quel est votre parcours professionnel et quel est votre rôle au sein du centre ?
Issa, chef de projet, est un autodidacte qui a travaillé pendant plus de 10 ans dans le domaine culturel à Paris sur des projets dont la particularité a été la création du lien et le rassemblement autour de l’Art. Il a ainsi créé une boutique associative dans le 11eme arrondissement parisien et a organisé de nombreux évènements culturels, notamment autour de la capoeira et des arts africains.
Quittant Paris pour se rapprocher de la nature en s’installant sur l’Ile de la Réunion, Issa a intégré le Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active pour une formation et a travaillé en tant que coordonnateur d’actions culturelles puis en tant qu’animateur développement local dans un centre social et culturel pendant 4 ans. Il a pu alors organiser des voyages, des activités sportives et de développement personnel ou des sorties en pleine nature avec des familles.
La mise en place des séjours culturels a naturellement été sa voie lors de la création de l’espace Aduna’m. Dans cette dynamique, c’est Issa qui a œuvré, avec son implacable détermination, son ingéniosité et sa créativité, à l’aménagement des aires d’accueil (auberge, cases, chapiteaux, jardin) de l’Espace Aduna’m.
Johanna, kinésithérapeute depuis 2006, ayant pratiqué en France à titre libéral et dispensé des formations pratiques sur le lien corps-esprit. Tout au long de ma pratique, j’ai pu observer et prendre conscience des effets du mental sur le corps, des capacités de l’Homme à agir sur lui-même, à se guérir ou à se détruire. Attentive au soin complet de la personne, les thérapies holistiques ont attisé ma curiosité.
C’est dans cette optique que la mise en place d’une exploitation agricole durable, organisée en harmonie avec les besoins et les capacités de l’Homme, m’a intéressée. Ma première mission au sein de l’Espace ADUNA’M a donc été de mettre en valeur les capacités d’autosuffisance de la Nature et de permettre l’utilisation et la consommation optimale des denrées récoltées (nourriture saine, plantes médicinales, plantes fourragères, produits de 1ére nécessité de qualité). Aimant particulièrement le contact et l’échange humain, je suis également en charge de développer les partenariats autour de l’activité de l’Espace, que ce soit avec les artisans locaux ou avec des organisations internationales qui pourraient nous aider dans notre travail agricole et social.
Chemin faisant, conjointement, nous effectuons et /ou coordonnons le travail de communication, d’administration, d’aménagement, de gestion d’équipe, d’accueil et d’agriculture dans la perspective de faire grandir le projet et ses valeurs.
Quels sont et/ou qui sont vos modèles d’inspiration pour réaliser votre projet et pourquoi ?
Ils sont innombrables.
Nos parents, inspirateurs à travers leur inébranlable détermination et confiance dans la vie.
Puis, notre vécu, nos expériences de vie, notre évolution, nos rencontres (les bonnes et les moins bonnes).
S’il fallait résumer en un mot, je dirais…la Vie.
Comment votre centre culturel est accueilli dans la région et par la population sénégalaise ?
Il a d’abord été accueilli à bras ouvert, et l’est toujours aujourd’hui, comme une opportunité de travail (travaux d’aménagement, travaux d’entretien, travail agricole, restauration). La majorité des employés sont venus d’eux-mêmes demander du travail.
Puis, petit à petit, se créent différents échanges à travers nos activités : plantation d’arbres au lycée, participation des artisans du village à la découverte de leur métiers à nos visiteurs, intérêt aux formations en agriculture durable organisées à l’espace…
Dernièrement, prenant naissance des besoins de l’Espace Aduna’m et de ceux des établissements de formation hôtelière, l’espace devient un terrain de stage pour les étudiants.
Pouvez-vous donner votre ressenti sur l’intérêt porté à l'agroécologie et les savoirs ancestraux actuellement au Sénégal? Est-ce valorisé par la population locale et les politiques ?
L’intérêt pour l’agroécologie et les savoirs ancestraux est quelque chose qui existe ici au Sénégal, qui est en marche. Un réseau existe mais qui se doit d’être alimenté afin de le populariser face à une considération encore trop marginale.
L’Espace Aduna’m contribue en grande partie à valoriser ces savoirs ancestraux et le travail de la terre auprès des jeunes notamment, en montrant leur valeur et leur pertinence dans notre monde d’aujourd’hui.
Pouvez-vous nous parler de vos succès concernant votre centre culturel ?
La concrétisation du projet est notre victoire, qui se manifeste quotidiennement : la nature qui renaît, la flore qui se densifie et se diversifie, la faune qui afflue, les échanges culturels qui aboutissent, l’intérêt qui grandit et les projets qui abondent…
Aussi, pour moi, alors que les chiffres n’ont jamais été vraiment importants, aujourd’hui ils illustrent le fait que le projet devient un centre de passage et d’échange de savoirs et d’énergie important. En 4 ans, nous avons accueilli, 26 organisations à but non lucratif pour abriter leur projet ou leur permettre de travailler sur la localité, 4 groupes ayant travaillé sur l’échange interculturel ou le développement humain, 47 personnes passant dans la région et découvrant le lieu, 21 volontaires-bénévoles, employé 40 jeunes de la localité, et collaboré avec plus d’une trentaine d’artisans et PME locales.
L’Espace Aduna’m est un espace vivant, comme une ruche qui bourdonne à l’aide annuellement d’une multitude d’abeilles☺.
Je suppose que, comme dans tous projets, pas de succès sans difficultés. Quelles ont été les vôtres ?
Dans un premier temps, les épreuves majeures ont été de deux sortes.
D’une part, garder confiance et rigueur face aux difficultés de mise en place : les premiers échanges culturels programmés sont annulés par manque d’inscrits, les économies arrivent à court et il faut malgré tout assurer la croissance des premières plantations, encore vulnérables, et achever l’aménagement de l’espace d’accueil. Au passage, une pensée à tous ceux qui nous ont soutenus, et qui nous soutiennent encore.
D’autre part, s’adapter à la culture locale et en apprendre les codes.
Aujourd’hui, si nos victoires citées ci-dessus sont quotidiennes, nos difficultés le sont également : optimiser notre organisation pour l’accueil et le travail agricole, équilibrer les finances, garder confiance dans l’incertain. Il s’agit, chaque jour, de rester attentifs et de trouver le bon équilibre.
Projetons-nous un peu ! Avez-vous des projets et ou des actions que vous souhaitez développer et réaliser dans le futur ? (Pour votre centre culturel, région, ou pays)
Oui projetons nous.
Pendant ces 4 années, nous avons posé les bases de l’Espace Aduna’m et nous avons pu constater une multitude de micro-filières qui s’ouvrent grâce à l’établissement de ces bases.
Par exemple, notre travail sur la qualité des sols a permis notamment de planter du coton, qui pourra être récolté, filé et donner lieu à l’ouverture d’un atelier de tissage traditionnel avec confection et vente de produits sur le marché local ou international.
Aussi, le travail effectué autour du respect de l’environnement, notamment avec les jeunes du village ouvre la voie vers la collecte et la gestion des déchets, avec une possibilité de création d’emplois.
Ou encore, les rencontres et l’intérêt reçu d’organisations locales œuvrant dans le domaine des plantes médicinales et de leur transformation font naître le projet d’actions d’information et de formations sur le sujet.
Nous souhaitons donc tirer le fil de toutes les opportunités que nous offre notre espace afin de travailler dans une logique de chaîne de valeurs et d’impliquer les jeunes de la localité dans la création de micro-projets à chaque maillon de ces chaines.
L’Espace Aduna’m nous offre tellement d’opportunités ! Il est la preuve qu’il ne peut pas y avoir de limite au cercle vertueux de la Nature.
Il est possible de vous rencontrer au Sénégal pour séjourner et même participer aux activités du centre culturel grâce au woofing! Pouvez donner plus d’information sur comment procéder pour réserver un séjour?
Contactez-nous, aduna@hotmail.fr, www.adunam.org.
Nous accueillons les woofers du mois de juillet au mois de février, ce qui offre la possibilité de découvrir deux saisons bien distinctes ici.
La saison des pluies, de juillet à octobre, avec des pluies discontinues, une à deux fois par semaine dans les bonnes saisons, et des températures allant entre 30 et 40°C. La saison d’hiver, de novembre à février, saison sèche avec des températures allant entre 15 et 30°C.
Nous n’accueillons pas de mars à juin, la saison chaude et sèche, où les températures montent jusqu’à 45-50°C.
Un petit mot ou un adage pour finir ?
J’ai envie de m’inspirer d’une phrase du Dr Wayne W.Dyer (conférencier, écrivain, psychologue et acteur), « Changeons le regard que nous portons sur les choses et les choses que nous regardons, changerons » pour dire : Voyons ce que nous désirons réaliser, et ce que nous désirons réaliser se réalisera.
Merci beaucoup à tous les deux, pour ce beau témoignage !
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